La région du mois: les gorges du Verdon (France): "Ici, c'est plus que loin, c'est ailleurs"

C'est en emprutant les mots de Jean Giono que j'ai décidé d'intituler cet article: "Ici, c'est plus que loin, c'est ailleurs". Au mois de mai sur 6continents, vous quittez la ferveur d'une capitale, Budapest, que nous avons suivie pendant deux mois. Retour au calme et retour à la nature dans l'une des plus belles régions de France. J'insiste sur la définition géographique de région: une région n'est pas seulement une région administrative, ça peut être un ensemble de traits physiques ou culturels ou économiques communs. Finissons en avec ces rabats -joie géographes et présentons ces gorges qui nous feront rêver pendant un mois.

Les gorges du Verdon, c'est le romantisme dans toute sa splendeur lorsque la nature a décidé de faire un caprice. A l'origine du creusement des Gorges, une rivière: le Verdon. Cette sauvageonne s'en est prise aux roches calcaires. On sait que le calcaire contre l'eau, c'est  comme le petit bleu qui va se faire casser la gueule à la récré par le plus grand. Cette récréation fut tout de même assez prolongée puisqu'elle a duré des milliers d'années. Des milliers d'années de castagne pour ce pauvre calcaire qui a subi de multiples fractures. Avec le réchauffement climatique au Quaternaire (et oui c'est pas toujours de notre faute mais ça c'est un autre débat), le débit de l'eau s'est largement accentuée jusqu'à 1000 m3. Tout cela donne lieu à une érosion massive qui creuse de gigantesques grottes et produit ce canyon français, l'un des plus beaux du monde. Le Verdon n'avait pas peur du vide et fut ravie de l'écarter. Le résultat est vertigineux laissant du terrain au vol des vautours et des aigles royaux.

Qu'en est-il de l'Homme dans cette histoire? Animal civilisé mais aussi pétri de peur, les Gorges du Verdon lui apparaissent comme une contrée difficilement domptable. Mais notre tempérament belliqueux pour dominer la nature est trop fort. Le goût du risque et de l'aventure est l'identité du genre humain. Les Hommes sont installés depuis longtemps dans les montagnes mais n'avaient pas encore eu l'idée insensée jusqu'au début du XX e siècle de s'aventurer dans la profondeur de ce canyon luxuriant et terrifiant. Pendant longtemps, on a jugé la mission impossible. Pas de Tom Cruise en ces temps reculés. Seulement, je l'ai dit, l'Homme possède en lui cette soif de maîtrise et est corrompu par la curiosité. Il est nécessaire au XXe sicèle de développer les ressources hydroélectriques de la région et le Gouvernement souhaite aménager le Verdon. Le boulot, c'est pour E.A. Martel,  inventeur de la spéléologie qui s'entoure de 2 autochtones, l'institeur Isidore Blanc et son fils. Dans leurs explorations, ils seront les pioniers du futur tourisme en balisant les chemins de randonnée et en créant la section des guides du Verdon. Il n'y a qu'à voir aujourd'hui avec quelle aisance guides et animateurs ont une connaissance pointue de ce lieu sauvage. 

Aujourd'hui, le Verdon est une région prisée des touristes mais sans jamais de suffocation. Entre hauteur maximale et profondeur du vide qui a faim, l'angoisse se joue de vous. Mais pas la mauvaise angoisse, celle qui vous rappelle justement le nain que vous êtes dans la nature. Le nain, que dis-je, le microbe. Sans oublier l'eau qu'il faudra également affronter. Les paysages majestueux se succèdent et vous en oubliez même l'existence des villes. Et on apprend que les Alpes  françaises, celles du Sud ici, ce n'est pas seulement la Savoie et la Provence. Les gorges du Verdon vous en mettront plein la vue: ciel, roches, végétation, eaux ... Le ventre du vide se creuse et est prêt à vous enterrer. L'abîme n'a jamais été aussi proche. Mais vous êtes un homme et la soumission par la nature vous plaît. Ici, vous perdrez tout sentiment de domination. On nage en plein romantisme et nous allons terminer avec celui avec qui on a commencé: "Rien de plus romantique que le mélange de ces rochers et de ces abîmes, de ces eaux vertes et de ces ombres pourpres, de ce ciel semblable à la mer homérique et de ce vent qui parle avec la voix des dieux morts" (Jean Giono). Ce mois-ci, jetez vous avec moi!